ites le mot « ostéopathe » dans une conversation et vous aurez, à n’en pas douter, une histoire de guérison inespérée.

Un mal de dos qui enfin disparaît, des maux de tête chroniques qui s’évaporent, des régurgitations qui n’empoisonnent plus le quotidien d’un nourrisson, etc. Forcément impressionné, vous prendrez l’adresse de ce « rebouteux » des temps modernes sans savoir s’il s’agit d’un médecin-ostéopathe, d’un kinésithérapeute-ostéopathe ou d’un « ni-ni » c’est-à-dire ni médecin ni kiné, mais ostéopathe « exclusif », ces derniers étant les plus nombreux.

Bien qu’elle ne soit pas remboursée par la Sécurité sociale, l’ostéopathie, thérapeutique manuelle classée dans les médecines alternatives, connaît depuis une vingtaine d’années un engouement croissant. De plus en plus de complémentaires santé proposent une prise en charge partielle des séances d’ostéopathie qui consistent à corriger des dysfonctionnements localisés en « rééquilibrant » le corps.

Pour tenter de faire le ménage dans le grand bazar de cette profession, la loi du 4 mars 2002 relative aux droits de malades a reconnu officiellement le « titre » d’ostéopathe. « Cela a été un pas énorme, nous sommes désormais présents dans le paysage de la santé », se félicite Jacques Weischenck, directeur du Collège ostéopathique Sutherland. Après moult tergiversations, les décrets d’application, réglementant les modalités d’agréments des établissements, les conditions d’exercice et les actes autorisés, sont finalement parus en mars 2007. D’ici à cet été, les préfectures devront arrêter la liste des professionnels pouvant user du titre d’ostéopathe. D’ores et déjà, le nombre d’écoles habilitées à enseigner cette discipline a fondu comme neige au soleil : elles ne sont plus qu’une petite vingtaine contre plus de 80 avant les décrets. « Ces agréments vont assainir la profession et donner une garantie au public », résume M. Weischenck. Bref, limiter le charlatanisme.

Surtout, les décrets limitent les gestes des ostéopathes. Désormais les techniques internes (manipulations gynéco-obstétricales et touchers pelviens) leur sont interdites. De plus, les manipulations chez le nourrisson de moins de 6 mois et celles du rachis cervical ne peuvent être pratiquées que si le patient dispose d’un « certificat de non-contre-indication médicale » établi par son médecin traitant. Ces nouvelles dispositions ne satisfont personne : ni le monde médical qui aurait voulu que tout recours à l’ostéopathie passe d’abord par une prescription médicale ni les ostéopathes non médecins qui voient dans ce « saucissonnage » une remise en cause du concept de « globalité » du patient, cher à l’ostéopathie.

Comme à chaque fois qu’il s’agit de réglementer une thérapeutique alternative, l’Académie nationale de médecine et l’Ordre des médecins ont bataillé pour limiter le champ d’action de l’ostéopathie. « Cette méthode manuelle s’appuie sur des a priori conceptuels dénués de tout fondement scientifique », fait valoir l’Académie. Les opposants les plus farouches parlent « d’imposition des mains » et de « doctrine ésotérique ».

« Il existe un certain accord pour reconnaître l’intérêt de l’ostéopathie dans les lombalgies chroniques, pour le reste nous n’avons pas de preuves », explique Charles-Joël Menkès, professeur émérite de rhumatologie.

MÉDECINE COMPLÉMENTAIRE

Cette faiblesse des preuves n’empêche pas les Français de consulter et, pour beaucoup, d’y trouver leur compte.

Son succès serait dû au temps pris pour l’écoute du patient et à la dimension « douce et naturelle » des soins prodigués.« Les gens viennent nous voir parce qu’ils en ont marre de prendre des anti-inflammatoires qui leur bousillent le ventre », cite, en exemple, Dominique Blanc, président de l’Union fédérale des ostéopathes de France (UFOF). « Avant, les ostéopathes étaient consultés uniquement pour des problèmes articulaires, désormais les rendez-vous concernent aussi la migraine, les troubles digestifs… », assure M. Weischenck. « Nous récupérons souvent des échecs thérapeutiques, constate le docteur Christian Caldagues, président de la Société française d’ostéopathie (SFO), mais aussi les torticolis et autres lumbagos au lendemain d’un déménagement, d’un week-end de jardinage, de sport ou de bricolage. »

Thierry Picarel, ostéopathe « exclusif » parle d’une médecine « complémentaire ». « Il s’agit simplement d’un regard différent porté sur la prise en charge des douleurs qui empoisonnent la vie quotidienne ».



Références
Origines : l’ostéopathie a été inventée par l’Américain Andrew Still en 1874. Présente dans plusieurs pays (Etats-Unis, Suisse, Grande-Bretagne), elle s’est développée en France depuis les années 1970. Technique manuelle à visée curative et préventive, l’ostéopathie part du principe que tout est lié dans l’organisme.

Effectifs : 1 194 médecins ostéopathes sont inscrits au tableau de l’ordre. Aucun chiffre officiel ne recense, pour l’heure, les non-médecins. Ils seraient plus de 6 000.

Formation : les médecins sont titulaires d’un diplôme interuniversitaire de médecine manuelle et d’ostéopathie reconnu depuis 1996. Les non-médecins sont formés dans des écoles privées. Accessibles après le bac, elles recrutent notamment, depuis le début des années 2000, parmi les « recalés » de la première année de médecine. Les décrets imposent un minimum de 2 660 heures ou trois ans d’enseignement (1 250 heures pour ceux qui sont déjà kinés) pour obtenir le diplôme d’ostéopathe.

Champ d’intervention : il peut être « structurel » (colonne vertébrale et articulations), « viscéral et crânien » (pour les troubles fonctionnels tels que les problèmes de transit intestinal).

A lire : L’Ostéopathie, de François Le Corre et Serge Toffaloni, Que sais-je ? PUF. (cliquez sur le lien pour en savoir plus)

Rapport du 10 janvier 2006 de l’Académie nationale de médecine sur l’ostéopathie et la chiropraxie disponible en ligne (www.academie-médecine. fr).

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Adresses : le Web regorge de sites plus ou moins fiables consacrés à l’ostéopathie. Parmi les associations ou organismes dits « représentatifs », on peut citer SFDO, SNOF, UFOF, SFO, AFO.

Références: Sandrine Blanchard, lemonde.fr, SFO, UFOF